Lapin perdu…
Posté le jeudi 18 juin 2009 à 6 h 42 min dans la catégorie « Croquilembour, Croquis, Humeur, Preview » par Bruno Bellamy.



Encore un p’tit clin d’œil au salon de thé précédemment évoqué. Comme il se trouve en plein cœur de la Normandie, il était de bon ton de l’associer à l’animal-totem de cette région… 😉


Improvisée sur une enveloppe kraft dans mon salon de thé préféré…




On marche sur la tête, littéralement.
HADOPI est un monstre. Cette abberration grotesque et malsaine, qui consiste à outrepasser les droits les plus fondamentaux pour satisfaire les intérêts de ceux, parmi les marchands de culture, qui pèsent assez lourd économiquement pour s’assurer des alliances politiques aussi irresponsables qu’aveugles, ne pourra pas fonctionner, coûtera une véritable fortune, et laissera, puisqu’elle est brandie au nom du « droit d’auteur », alors que justement le droit des auteurs est bien la dernière préoccupation de ceux qui promulguent cette insanité, l’image de ces auteurs irrémédiablement ternie.
En face, ce n’est pas mieux : la Licence Globale semble un « moindre mal » pour beaucoup de gens qui, en réalité, n’ont pas vraiment idée de ce qu’est la réalité du statut économique et social de l’auteur, et y voient surtout un avantage pour le public (avantage dont on peut douter sur le long terme : une « solution » qui mettrait en péril la capacité de nombre d’auteurs à vivre de leur activité et donc à produire leurs oeuvres n’est pas, au final, à l’avantage de ceux qui apprécient ces oeuvres). La réalité, c’est que le coût réel d’une licence globale n’a jamais été calculé, que je sache, en tenant compte d’autre chose que de la part de la musique et, peut-être, de celle du cinéma. Qu’en est-il de l’écrit et de l’image fixe, présents depuis bien plus longtemps que le moindre son et la moindre image mouvante sur l’Internet, et désormais, certainement, en quantité très largement supérieure si l’on tient compte non pas du poids en méga-octets, qui n’a certes pas grande valeur, mais bien du nombre d’oeuvres ? Imaginez une licence globale mise en place par un gouvernement qui laisserait toute latitude à l’échange de fichiers sauvage, désormais considéré comme « copie privée », pour un forfait mensuel de quelques euros ajoutés au prix de l’abonnement ADSL. Au bout de quelques mois, on aurait droit à un « oops, on a oublié de compter l’écrit et l’image fixe, finalement cette licence va doubler ou tripler le prix de votre abonnement ». Plus d’un électeur aura le sentiment de s’être fait avoir, et il n’aura pas tort. Mais n’est-ce pas là ce qu’il faut attendre de la plupart des promesses de politiciens ?
Et comme cette pseudo erreur de calcul sera survenue après l’HADOPI, le contribuable aura au final été largement taxé pour les deux solutions… Quelle importance ? Ce n’est pas comme si on était en pleine crise économique !
Le résultat n’en sera pas plus fiable pour autant, puisque dès lors qu’on considérera comme dignes de rémunération toutes les oeuvres qui circulent via l’Internet et que, vu leur nombre et la prédominance des usages, on aura renoncé à contrôler leur circulation, tout auteur de la moindre photo de vacances exposée sur un blog pourra, en respect des principes définis dans le code de la propriété intellectuelle, réclamer sa part du butin. Qui, alors, pourra dire que ce photographe amateur aura plus ou moins de droit à rémunération qu’un auteur de BD qui aura publié une case, une page, un croquis, de son travail en cours, sur son propre blog (exemple au hasard, hein… 😉 ) ?
Faute de ces dispositifs délirants, l’Internet pourrait demeurer ce qu’il est aujourd’hui : un lieu d’échange et d’expérimentation, au sein duquel, on le sait, des gens abusent, et diffusent sans trop réfléchir le travail des autres, mais dans des proportions qui permettent peut-être, si l’on faisait preuve d’un peu plus de pédagogie, à la création de survivre, tout en condescendant à ce qu’une part raisonnable de diffusion « sauvage » fasse finalement office de promotion libre et aléatoire, et contribue à élargir la culture de gens qui, découvrant par les hasards du réseau, des oeuvres et des auteurs qui leur seraient restés, autrement, inconnus, vont devenir presque autant de clients légitimes de publications qu’ils ne seront que trop heureux de financer, pour se garantir (car un auteur a besoin de bouffer pour produire, c’est ce qu’on pourrait commencer par expliquer aux gens, au lieu de les menacer de leur couper l’Internet) de voir arriver bientôt de nouvelles oeuvres de ces mêmes auteurs qu’ils ont appréciés et continueront à lire ?
Mais non, on préfère légiférer de manière autoritaire, soumettre au vote ce qui est vrai ou faux, alors que le bon sens et la logique devraient dicter la conduite de nos représentants élus, au lieu d’une allégeance inconséquente au pouvoir du fric et à la persuasion des lobbies.
Qui risque de tout y perdre, au final, sinon les auteurs ? HADOPI ne défend que les marchands et les actionnaires du business de la culture, et la Licence Globale ne défend que ceux qui prennent pour une réalité le fantasme selon lequel les artistes pourraient ne vivre que d’amour et d’eau fraîche.
Je ne rejette pas en bloc les « modèles économiques alternatifs », peut-être existe-t-il des modalités d’application de cette Licence Globale ou d’autres dispositifs (je me suis moqué encore récemment du « mécénat global« , mais va savoir…) qui pourraient fonctionner et face auxquels mes réticences ne tiendraient pas la route, mais tant que ces « solutions » ne font que servir des enjeux politiciens, il y a fort à parier que l’évaluation de leur faisabilité, concernant notamment la survie du métier d’auteur, sera partiale et nourrie de pure démagogie.
Prétendre fliquer l’Internet, au mépris des droits de l’homme, ou offrir un « forfait culture illimité » au mépris du fait que les auteurs sont, évidemment, des gens comme tout le monde, qui ont le droit de vivre de leur métier quand celui-ci répond à un besoin, ne sont que deux mauvaises solutions à un problème qui n’a probablement jamais existé.
Je suis de ceux qui persistent à croire qu’un peu de piratage ne nuit pas à la création, du moment qu’on le contrebalance par un peu de pédagogie et de bon sens et, surtout, comme pour toute chose, qu’on n’en ABUSE pas. Seulement là, le gouvernement est en train de faire la promotion du piratage, à la manière dont Micro$oft a toujours, par les défauts de son système et la puanteur de ses démarches marketing, fait la promotion des systèmes concurrents tels GNU-Linux (et je n’assimile pas Linux au piratage, hein, me faites pas dire ce que j’ai pas dit ! 😉 ).
Qu’ils contribuent au progrès, au savoir et à l’histoire de l’art, ou qu’ils ne soient que des amuseurs publics, des pourvoyeurs de rêve (un métier pas moins noble que celui de député, à mon humble avis, surtout quand ceux-ci votent en faveur d’un cauchemar), les esprits qui font la culture plutôt que la vendre sont aujourd’hui laissés pour compte, tenus pour accessoires dans ce non-débat, et donc purement et simplement foulés au pied. Et avec eux, ceux qui apprécient leur travail, et aimerait donc les voir continuer à le produire.
Voilà pourquoi je dis, à qui veut l’entendre, qu’on marche, littéralement, sur nos têtes.
PS : mon texte est trop long, mon dessin est moche, et je vais me faire plein d’ennemis, mais je m’en fiche. Pendant que j’ai encore le droit (mais pour combien de temps encore ?) de penser et de dire ce que je pense, j’use de ce droit.

Allez, un p’tit lapin, ça change des bunnies… 😉

De nouveaux sketchbooks sortent dans la désormais prestigieuse collection du même nom chez Comix Buro, dont celui de Juanjo Guarnido qui, j’en suis sûr, fera date !
Et qu’est-ce que cette annonce vient faire ici, me direz-vous, outre le fait que je suis fan de Blacksad (et de Guarnido himself, qui en plus d’être carrément doué est bougrement sympathique) ?!
Eh bien c’est moi qui ai assuré la mise en page de ce bouquin, voilà ce que ça vient faire ici !
Inutile de dire, du coup, que je suis bien placé pour vous dire que c’est bien, puisque que j’ai vu son contenu avant tout le monde, ah ah ! 😉
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