Cachez ce popotin…
Posté le vendredi 21 mai 2010 à 10 h 48 min dans la catégorie « Couleur, Croquis, Humeur » par Bruno Bellamy.
…que Steve Jobs ne saurait voir !

Alors je sais pas pour vous, mais moi je trouve de plus en plus bizarre la manière dont Apple impose sa volonté en filtrant les contenus diffusés sur ses machines (iPhone, iPad, iTruc, iEtc) en vertu, principalement, de principes « moraux ». Que Steve Jobs souhaite protéger l’image de marque de sa société en pratiquant une sélection des logiciels ne me choque pas vraiment. En revanche, qu’il argumente ce choix en rangeant arbitrairement tout ce qui pourrait être un tant soit peu sexy ou érotisant dans la catégorie du « porno », c’est moins cool. Ça procède non seulement d’une assimilation abusive et grossière, mais ça constitue aussi un jugement de valeur dont les implications sont assez antipathiques.
Songer qu’en vertu d’un discours commercial aussi primitif, monsieur Jobs rangerait probablement les bellaminettes dans la catégorie « porno » me choque et m’insulte. Une classification aussi arbitraire et aussi peu nuancée est, pour le moins, injustement agressive.
Quand je dessine des bellaminettes, je ne fais pas dans l’obscène, et je n’apprécie pas du tout qu’on prétende ou qu’on sous-entende une telle chose.
J’ai bien compris qu’il faut y voir, aussi, le prolongement d’une particularité propre à la culture moderne américaine, souvent assez puritaine, pour laquelle la seule apparition d’un téton range une image dans la catégorie de ce qu’il ne faut surtout pas laisser voir par tous les publics. Il serait évidemment inapproprié de porter à ce sujet un jugement de point de vue français, qui ne s’offusque pas pour si peu. Chaque culture a ses particularités et il convient de les respecter. Cela ne va cependant pas jusqu’à justifier le classement, radical, et que je crois abusif même en tenant compte de cet américanisme si pittoresque, de toute image un tant soit peu sexy dans le domaine autrement moins glorieux de la pornographie. Ça n’est pas non plus porter un jugement sur la pornographie elle-même, mais à lire les propos de Steve Jobs (ou qui lui sont attribués, et émanent en tout cas de la direction d’Apple), il est clair que dans l’idée de la firme de Cupertino, la chose est exécrable.
Cette idée qu’une « morale » aussi spécifique et aussi réductrice puisse, par l’intermédiaire de machines diffusées sur toute la planète avec le succès que l’on sait, s’appliquer par défaut dans d’autres cultures, et que cela semble aussi peu concerner ou inquiéter les utilisateurs de ces petites fenêtres à images me laisse perplexe, c’est le moins que l’on puisse dire. Quelle arrogance de croire qu’on est ainsi détenteur de la seule vraie vérité universelle sur le bien, le mal, la décence et l’indécence. Quand ce n’étaient que des boissons gazeuses ça n’allait pas bien loin. Là, on parle de machines qui sont vecteurs de sens, porteurs de messages, et constituent un véritable réseau d’influence. Et là, oui, ça me laisse très très perplexe.
Je ne veux pas tomber dans l’anti-américanisme primaire, je sais bien qu’il ne faut pas résumer un peuple à ce qu’une seule société laisse transparaître de sa culture. Après tout ce sont des gens, ils ne sont pas moins complexes que moi. Mais n’empêche, Steve Jobs m’a déçu.
J’ai mis pas mal de sous dans ses machines (j’ai été autrefois l’heureux possesseur d’un Apple IIe, une machine formidable, et je travaille maintenant sur un iMac 24″, non moins superbe engin, et un MacBook 13″ tout aussi chouette, et tout ça m’a coûté une bonne part de mes économies), je n’aurais jamais imaginé qu’en retour je me ferais ainsi, même très indirectement, insulter.
Steve, t’es plus mon pote. 🙁


















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