Ce n’est qu’après avoir rédigé, dans le post précédent, le récit narrant comment s’est passée l’impression du sketchbook, que je me suis rendu compte que je n’avais même pas expliqué le pourquoi de la chose… 😉

C’est pourtant un truc important !

On pourrait s’imaginer, en effet, que ça m’amuse de me lever au milieu de la nuit pour être prêt à partir dans le froid glacial de la banlieue sud de Paris, d’affronter le retard de RER dû à un incident technique, la foule qui s’énerve sur le quai, la petite pluie fine qui transperce les os à la sortie de la gare, et les méandres improbables d’une zone industrielle où il faut retrouver l’imprimerie, et que je vais là-bas juste pour satisfaire ma curiosité, tout en profitant du charme pittoresque de ces contrées sauvages… 🙄

Eh bien non, pas du tout.

Je fais ça parce que je ne me contente pas de dire « OK, allez-y, mettez donc mes petits dessins dans ce livre, ça fera joli ». Déjà je me suis farci quasiment toute la maquette, parce que je voulais créer une thématique le long des pages du livre, ajouter mes commentaires de façon appropriée, et mettre tout ça en forme à ma façon (bon en fait j’adore faire ça 😉 j’aime bien la mise en page), et ensuite, je tenais à assister à sa fabrication, pour m’assurer que tout se passe bien pour lui…

Or on a beau fournir des images numériques, ça ne veut pas dire que tout est prévisible. Et par définition, comme l’impression inscrit l’oeuvre dans la matière, elle la fait passer en analogique, et donc dans le domaine du changeant, de l’impondérable. Et pour être sûr qu’il n’y a pas d’accident en cours de route, ben le mieux c’est d’être sur place. En plus, dans cette collection de livres chez Comix Buro dont la présentation est un peu unifiée, le mien (forcément, j’ai pas pu m’empêcher… 😉 ) fait un peu son original : au lieu du fond beige adopté par tous les autres pour les pages intérieures, j’ai voulu lui donner un fond bleu ciel… Du coup, les réglages d’impression mémorisés pour le restant de la collection ne garantissaient pas la fidélité des couleurs. Donc j’ai été tenir compagnie pendant toute une journée à l’imprimeur (super gentil, d’ailleurs 🙂 ) pour contrôler la justesse des couleurs, la qualité de l’impression, et l’ordre des pages. Parce que ça n’a l’air de rien, comme ça, mais on a vite fait de tout mélanger au moment de faire le recto-verso, et comme ça implique au minimum mille feuilles de ratées, donc 12000 pages, faut avoir l’oeil ! 😉

Quand les essais sont concluants, et qu’on peut dire « voilà, si on imprime comme ça, c’est exactement ce que je veux ! », on appelle ça un « bon à tirer », abrégé comme le titre du présent post en « BàT ».

Ci-dessous, une feuille de test. On voit en haut le capteur de l’outil de vérification colorimétrique qui mesure très précisément les taux d’encrage. En bas à droite, le petit machin noir est un « compte-fils », une toute petite loupe pour examiner que les trames des différentes couleurs sont bien calées les unes par rapport aux autres… Ça rigole pas !

Et pour qui je fais ça, à votre avis ?

…eh bien c’est pour vous, jolie lectrice, gentil lecteur… Pour que le livre que vous ferez peut-être (j’espère) l’effort de vous procurer soit aussi bien que possible. Ce n’est pas à moi de juger de la qualité des dessins que vous y verrez, pour ça c’est vous qui me direz ce que vous en pensez, ce que vous en ressentez, mais pour l’assumer entièrement, je tiens à ce qu’ils soient restitués vraiment fidèlement.

Et ça veut dire faire tout ce qui est en mon pouvoir pour accompagner ce livre aussi loin que possible.

L’aider à se lancer dans la vie, quoi. 😉