Je pense que certains de mes voisins sont des agents secrets…
Quand je les croise, en allant chercher mon courrier, je leur adresse un « bonjour ! » accompagné d’un large sourire, et ils font alors un effort manifeste pour regarder ailleurs, manière de signifier qu’ils n’ont pas du tout remarqué ma présence, ce qui justifierait, je présume, qu’ils ne répondent rien du tout.
Or la seule explication raisonnable que je puisse trouver à ce comportement étrange, c’est qu’ils détiennent des secrets risquant de compromettre la sûreté nationale, et qu’ils doivent absolument éviter d’engager la conversation avec des civils, car s’ils se mettaient à discuter de tout et de rien ils risqueraient de laisser échapper par inadvertance des informations tellement cruciales qu’ils seraient obligés d’abattre leur interlocuteur, sans autre forme de procès, pour garantir la non-divulgation de ces renseignements.
Leur apparent dédain serait donc, en fait, une mesure de précaution dans l’intérêt même de ceux qui, ignorant leur statut véritable, tenteraient naïvement d’établir une relation amicale ou même un simple dialogue de bon voisinage.
C’est pour mon bien, donc. 🙂
Ou alors c’est moi qui ai trop d’imagination…
Ou alors je suis moi-même un agent secret, et la préservation des informations que je détiens est garantie par une injonction hypnotique qui fait que j’en suis totalement inconscient. Ces secrets terrifiants ne seront sans doute libérés de ma mémoire, pour remonter jusqu’à ma conscience claire, que grâce à une série de mots-clés connue seulement de quelque autorité supérieure qui me contactera en temps utile.
Bien sûr, l’importance sans doute géopolitique de ces renseignements justifie une surveillance permanente, qui expliquerait que des agents subalternes soient postés à temps plein aux alentours, pour s’assurer que je ne sois jamais en situation d’entendre par accident les mots-clés que quelqu’un pourrait prononcer sans se douter un seul instant qu’ils sont le déclencheur de ce processus post-hypnotique. Ou en tout cas abattre ceux qui auraient, même sans le faire exprès, été exposés à ces informations.
Quant aux agents en faction à proximité de mon domicile, même s’ils sont suffisamment informés pour savoir quelle mission ils doivent remplir, ils ignorent totalement quels sont les mots-clés, et s’abstiennent donc scrupuleusement de tout échange verbal avec moi, par crainte de prononcer par inadvertance la fameuse suite d’instructions anamnésique, car si c’était le cas, ils devraient s’abattre les uns les autres, ce qui ferait tout de même pas mal de grabuge dans le voisinage…
Mouais, ça doit être ça.
Ça paraît logique, en tout cas… Non ?
Bien sûr, tout ce qui précède n’est qu’une fiction, et toute ressemblance avec des événements ou des personnes existant ou ayant existé ne pourrait être que fortuite. Du moins, c’est ce dont il serait judicieux que vous parveniez à vous convaincre.
Et croyez-moi, c’est pour votre bien ! 😉