La théorie du hamburger

Posté le mercredi 14 mars 2007 à 13 h 19 min dans la catégorie « Couleur, Croquis, Humeur, News » par Bruno Bellamy.

Hamburger

Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi l’indicateur de progression du scénario du tome 2 de Showergate est si longtemps resté bloqué sur 50%, pour finalement passer brutalement à 100% ?
Eh bien c’est à cause de ce que j’ai appelé la théorie du hamburger

On (je dis « on » parce que je n’ai pas mené cette réflexion tout seul, vu que j’ai la chance d’avoir des interlocuteurs fort éclairés aux éditions Delcourt) s’est pas mal demandé s’il était, finalement, si pertinent que ça que cette série compte trois tomes. Le but n’est évidemment pas d’en finir au plus vite, mais ce n’est pas non plus (en tant que lecteur, je ne suis pas fan des histoires « à rallonge ») de réaliser une série interminable avec des rebondissements artificiels.
Et il est apparu qu’en simplifiant un peu le récit, on pouvait tout à fait aller à l’essentiel, et donc le rendre plus lisible, plus digeste, en deux tomes au lieu de trois.

Je repense souvent aux bonus sur les DVD de Star Wars où George Lucas montre des scènes finalement pas mal du tout, mais qu’il a préféré enlever du montage final parce qu’elles n’apportaient pas d’élément réellement indispensable au récit mais, au contraire, pouvaient en casser le rythme. Sans vouloir simplifier à outrance, un bon récit ne devrait jamais s’alourdir d’arguments secondaires inutiles. En gros, « sujet-verbe-complément », c’est une bonne formule. Pas la peine d’en rajouter des tartines.

Mais en même temps, c’est frustrant… Pas mal de trucs qui pouvaient donner une certaine « richesse » à cette histoire et à l’univers dans lequel elle se déroule méritaient, il me semble, d’être exploités.

Et puis en prenant à part tous ces « déchets » que j’avais dû élaguer à grands coups de ciseaux, je me suis rendu compte qu’ils pouvaient très bien tenir la route hors de Showergate, et qu’en y réfléchissant bien, en laissant vagabonder mon imagination (ce qui est, finalement, la base même du métier… ;)), il y avait là d’assez bons points de départ pour tout un tas d’autres projets. J’ai cogité dessus des nuits entières, pris des notes en pagaille, commencé à mettre certains de ces projets en forme, et soigneusement rangé tout ça. Finalement, l’élaguage, ça a du bon (à part, sans doute, pour le manque de sommeil, mais ça aussi, sans doute, c’est une caractéristique du métier). 🙂

Et j’en ai déduit cette théorie au nom loufoque : un bon scénario, tout bien réfléchi, c’est comme un hamburger, souvent trop plein. Et quand on mord dedans, il y a une partie de la garniture qui s’échappe sur les côtés. On peut se dire alors « mince, la moitié de mon hamburger fiche le camp ! », ou ratrapper au vol ce qui dépasse… Et voilà, en plus d’un hamburger finalement un peu plus digeste, je me retrouve avec de quoi raconter des histoires de tomates, de salade, et de cornichons. 😉

Et voilà pourquoi, surtout, le compteur « scénario », longtemps bloqué, vient si soudainement de se caler sur 100% : je n’étais pas en panne d’inspiration, bien au contraire, mais plutôt en train de réécrire toute la fin de Showergate, ce qui ne fut pas une mince affaire, croyez-moi !
Vous comprendrez mieux en lisant la suite (et fin, donc) de cette série, mais boucler en deux ce qui était initialement prévu en trois nécessitait toute une série de pirouettes particulièrement acrobatiques. Mais je crois que ça en valait la peine.

Surtout, le résultat présente trois avantages remarquables :

  • Délesté de certaines fioritures, le récit est plus « fluide », et présente moins de risques de confusion.
  • Ramenée à deux tomes (qui prennent quand même chacun un bout de temps à réaliser, je rappelle que je fais tout tout seul comme un grand), la série va se terminer plus tôt, ce qui devrait contenter ceux qui ont lu le premier et sont avides de savoir comment ça finit, ainsi que ceux qui, peut-être, attendaient de savoir si la série allait bien se compléter, avant d’acheter le tome 1 (ça arrive de plus en plus souvent que des séries s’arrêtent en cours de route, et ça aussi, en tant que lecteur, ça m’énerve, et je ne veux pas faire à mes lecteurs ce qui m’énerverait à leur place, normal !).
  • Comme j’ai sans arrêt la tête pleine de nouveaux projets, plus tôt j’aurai bouclé cette série, plus tôt je pourrai démarrer la réalisation de ces nouvelles histoires que, j’espère, Showergate vous aura donné l’envie de découvrir aussi… 😉

Au final, ce qui me séduit dans ce processus c’est sa caractéristique de synergie. Au lieu de réduire un projet de manière destructive, en allant à l’essentiel pour mieux dire ce que j’avais à dire au travers de ce récit, je me retrouve avec des sources d’inspiration pour d’autres projets au moins aussi intéressants, de sorte que l’adage se confirme, pour mon plus grand plaisir (et donc le vôtre, en fin de compte, j’espère 😉 : « le tout est plus que la somme des parties ». 🙂


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