Making of : historique

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Mais le rêve reste le plus fort des moteurs, et aussi bien les événements que plusieurs de mes amis, ainsi que mon "for intérieur" me suggéraient que la situation, en apparence décourageante, n'avait jamais été aussi propice à la mise en route d'un projet bien à moi. C'est dans le train, en juillet 2004, de retour de chez de vieux amis qui, avec sagesse, m'ont encouragé à avancer dans cette voie (faire ma BD à moi, tout seul comme un grand), que j'ai commencé à remplir, presque frénétiquement, mon cahier à spirales avec ce qui allait devenir l'histoire de Showergate... Partant du petit début d'événements mis en place sur l'improvisation on-line, j'ai déroulé un fil qui m'a permis de fixer l'essentiel du récit, avec un début, une fin, un univers, des personnages, des motivations, et un sens, qui se sont comme imposés d'eux-mêmes, avec une grande cohérence. Comme quoi, il faut vraiment faire confiance à ce qui mijote et mature dans les tréfonds de notre inconscient. :)

...et surtout : toujours avoir un carnet et un crayon sous la main !!!

Le trajet en train durait à peu près quatre heures, et dans ce laps de temps j'ai non seulement rédigé la première mouture du synopsis du tome 1, mais aussi posé toutes les étapes essentielles de la trilogie principale de Showergate. Je savais désormais exactement où j'allais.

L'objectif était aussi de ne pas répéter l'échec du précédent projet. Il fallait donc concevoir, et pour ainsi dire "formater" le projet pour qu'il soit vraiment intéressant pour un éditeur (c'est à dire manifestement intéressant pour les lecteurs potentiels). Et donc, en premier lieu (et ça paraît le plus sensé, avec le recul, si on se place du point de vue du lecteur que je suis aussi, évidemment), ne pas découper une vaste histoire en petites tranches, mais s'assurer que chaque album a un début et une fin propres, articulés par un vrai développement, tout en donnant un réel intérêt à la série en posant, à chaque tome, les étapes du déroulement d'un récit plus vaste. Or c'était exactement cela que l'histoire de Showergate permettait, tout naturellement.

Bien sûr, pour arriver à quelque chose de présentable, ce processus a pris du temps. Plusieurs mois, à vrai dire...

Mais l'histoire et ses principaux arguments étant posés, j'ai pu commencer à les "tester" auprès de quelques courageux bêta-lecteurs (notamment Philippe Caza -grâces lui soient rendues-, décidément ce projet aura eu des parrains particulièrement réputés), qui m'ont grandement aidé à lever des ambiguïtés, remettre certaines choses en ordre, trouver comment mieux faire capter les émotions des personnages, choisir les bons moments pour amener telle scène, de manière à mieux rythmer le récit, trouver une apparence appropriée aux différents personnages, etc.

Arrive début 2005. Je contacte Olivier Vatine, que je n'avais pas vu depuis un bail, et nous nous retrouvons le 4 février dans un bistrot pour discuter.

Connaissant -et appréciant- mon boulot sur les bellaminettes, Vatine pensait que ce serait une bonne idée de trouver un scénariste parmi ceux qui travaillaient déjà avec Delcourt, pour concocter une histoire sur laquelle je pourrais (re)faire mes preuves en BD. Ça me convenait tout à fait, mais je tentais quand même le coup avec Showergate, lui racontant brièvement mais sans doute de manière passionnée les grandes lignes du récit que je tentais humblement, en apprenti-scénariste, de rendre intéressant...

Est-ce que c'est moi qui raconte bien ou est-ce qu'il y avait vraiment là les prémisses d'une chouette histoire ? Toujours est-il qu'au fur et à mesure que je décrivais le projet, Vatine a commencé à trouver ça bel et bien captivant, et à oublier l'idée de m'associer à un scénariste.
Juste avant d'aller à notre rendez-vous, j'avais imprimé mon synopsis, mais vraiment sans y croire, convaincu que ces quelques feuillets resteraient de toute façon au fond de mon sac à dos. Bien m'en prit, pourtant ! Je confiais finalement ces documents à Vatine, à la fin de notre entrevue, et quelque temps plus tard, de retour d'un voyage en Chine (Vatine est un grand voyageur...), il m'appelait au téléphone pour me dire qu'il avait lu le scénario dans le détail, pendant le voyage en avion, et trouvait que ça tenait vraiment la route. Paradoxalement, le fait qu'il ait, l'année d'avant, lui aussi jugé le Tiger Lily, tel qu'il était présenté à ce moment là, impubliable, me confortait dans l'idée que son approbation de ce nouveau projet témoignait d'un réel intérêt.

On allait le faire... On allait réaliser Showergate ! :)