Les Bellaminettes du mois de Casus Belli :

[Elfpunk]

Une elfe punk de Changelins dans le tromé...

Changelins: des elfes vivant dans notre monde, à la lisière du leur...
A moitié intégrés dans notre univers, et appartenant encore à moitié à leur monde d'origine, celui des êtres magiques, ces étranges personnages peuvent tout à fait passer pour des humains ordinaires, mais ne vous y fiez pas!
Le dessin est la technique privilégiée pour rendre visible ce qui n'est perceptible que par l'intuition, voire l'imaginaire. C'était donc un sujet tout à fait passionnant à traiter. Cette elfe qui se fait passer pour une humaine devait avoir tout juste un "petit quelque chose" qui fasse penser qu'elle n'est pas tout à fait de ce monde... Et bien sûr, il fallait la mettre dans un contexte qui, par contraste, caricature un peu ce qui fait que notre monde à nous est si loin de ce que nous pouvons concevoir comme vivable pour des êtres féériques. Le quai de métro s'imposait de lui-même! Et je dois bien avouer que je me demande, à chaque fois que je prend le métro, si je n'ai pas sans le savoir des origines elfiques, tant je trouve que ce lieu est infernal! Je ne dirai pas non plus tout le mal que je pense des contrôleurs de la RATP qui, eux, à mon avis, ont plutôt des liens de parenté avec des races de trolls peu recommandables...
En tout cas, je ne me suis pas privé pour faire, surtout sur la poubelle typique (un thème que j'ai eu l'occasion d'apprendre à maîtriser dans les dernières pages du deuxième album de Sylfeline, Les Pouvoirs de Tchoubou) du métro, des effets de crasse "à la Bilal"...
Un peu de dentelle noire, aussi, sur les bas de cette aguicheuse punkette. La technique employée est très exactement la même que celle de la dentelle blanche (cf. Casus No 72, par exemple), mais évidemment avec du noir. Je me suis d'ailleurs un peu fait violence, parce que je ne suis pas du tout fana de la dentelle noire. Je trouve que la dentelle claire est bien plus jolie, mais ce n'est qu'un point de vue personnel. En l'occurence, le noir s'imposait dans l'esprit du dessin et du personnage, et l'effet rendu me paraît efficace. En plus, il faut bien reconnaître que c'est un peu plus facile avec du noir qu'avec du blanc.
La composition générale de l'image me plaît bien, aussi. Seul regret: les ombres portées sur les murs. L'effet est là, mais niveau réalisme c'est n'importe quoi (l'ombre de la poubelle n'est pas cohérente, et la fille n'a pas d'ombre du tout!)... La perspective, c'est pas facile. Les ombres portées c'est pas évident. Les ombres portées en perspective, c'est carrément atroce!
Globalement, ceci met en évidence un fait essentiel: pour traiter les ombres et les lumières d'un volume, il faut impérativement COMPRENDRE ce volume! Je veux dire par là qu'il n'y a pas de "recette" (genre: mettre le foncé de ce côté-ci, le clair de ce côté-là, et ça aura l'air d'un volume...). Il faut, quand on met les couleurs (au pinceau, au crayon de couleur, à l'aéro, peu importe) qui vont définir les ombres ou les lumières sur une base de couleur moyenne, comprendre comment tournerait ce volume s'il était réellement en trois dimensions. On doit DÉCRIRE ce volume, et non le colorier. L'ombre sous le menton, l'arrondi d'une cuisse, le reflet sur le pli du tissu, doivent être imaginés en fonction de la position qu'aurait une source de lumière réelle dans la scène, projetée sur un visage, une jambe, un vêtement réel. Tenir compte, aussi, de la texture du support de l'ombre ou de la lumière: la peau n'accroche pas la lumière comme le plastique ou le métal... Ceci non pas afin d'obtenir un "effet", mais d'utiliser les valeurs de luminosité, tout comme le trait, la couleur, la perspective, la texture et la composition, pour que l'image soit LISIBLE. Comme la grammaire, l'accentuation, la ponctuation, participent à communiquer le sens contenu dans un texte, le jeu des ombres et des lumières sert à faire comprendre ce que l'image doit communiquer. Parfois c'est frustrant, parce qu'on voudrait se faire plaisir en poussant le "style" au-delà du raisonnable, mais quand le style devient plus important que le sens, le contenant est privilégié par rapport au contenu, ce qui enlève toute valeur à l'oeuvre.
Dessiner, c'est comme séduire: il ne faut rien brusquer, et le plus difficile est bien souvent de savoir où s'arrêter. On peut être tenté d'aller trop loin par peur de laisser croire à l'indifférence, mais il faut aussi ne pas risquer d'agresser, sous prétexte d'avoir voulu plaire...
Hem... J'ai l'air de causer comme un vieux routier de la drague, mais je vous rassure: j'ai dans ce domaine largement autant de progrès à faire que dans celui de la perspective! ;-)

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