Une petite réflexion toute personnelle à propos des IA génératives : ce qui, à mon avis (mais ça n’est vraiment juste que mon avis, pensez-en et faites-en ce qui vous chante) importe dans la création d’une œuvre d’art, aussi modeste soit-elle, par un être humain (contrairement, justement, à la « génération » par IA) c’est au moins autant le processus que le résultat. Les gens qui utilisent une IA n’ont pas seulement la flemme de se farcir le processus (d’apprendre à faire, et de faire), il me semble qu’ils n’en comprennent surtout pas l’intérêt et, donc, ne visent que le résultat.
La « vie » qui manque aux images générées par une IA c’est justement les traces subtiles, analogiques et inquantifiables, que l’artiste a sans le vouloir ni le savoir laissées dans son œuvre, et qui témoignent de ce qu’il a rêvé, souffert, désiré, attendu, forcé, ou laissé venir (comme dit Cyrano : « chanter, rêver, rire, passer, être seul, être libre, avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre ! »). Dessiner (ou peindre, ou sculpter, ou écrire, ou faire de la musique, etc) c’est évoluer, apprendre en faisant, devenir un peu plus soi-même au fur et à mesure que l’œuvre, elle aussi, naît. Et ça, ben c’est mécaniquement, forcément, irréductiblement, une propriété du VIVANT. Une IA ne peut tout simplement PAS simuler ces traces, parce qu’elle n’a pas le vécu qui seul peut les produire, et ne sait rien faire d’autre que, justement, mixer des résultats.
Les prétendues « imperfections » ne sont pas des qualités en soi, ou ne servent en tout cas pas à imprimer dans l’œuvre une quelconque « authenticité », elles sont surtout un témoignage du processus, de la gestation de l’œuvre par son auteur. Elles ne constituent donc pas une « preuve » ou, a contrario, un « défaut », mais elles témoignent du fait que l’auteur a vécu quelque chose en réalisant son œuvre, et ce quelque chose, qui ne peut se décrire et est indissociable de l’œuvre, peut aussi résonner chez celui qui va voir, lire, écouter la dite œuvre. Et ça n’arrivera pas avec l’œuvre d’une IA, parce que cette IA n’a rien « vécu » en produisant son image, son texte, sa musique.
Alors oui, ça peut faire des « jolis » trucs. Bah si le but c’est la décoration, tant mieux pour ceux qui cherchent ça. 🙂
Mais ça ne pourra rien partager (au sens de faire résonner chez l’autre, et non pas de « communiquer », qui est plus l’apanage du discours, raison pour laquelle, je crois, prétendre qu’il y a quelque chose d’artistique dans la rédaction pertinente de prompts à destination d’une IA générative est un non-sens) de ce qui a été vécu, ressenti, transformé, lors du processus alchimique de la création de l’œuvre par un être vivant, parce que justement il n’y a pas de vie, telle que décrite plus haut, dans une IA. Et c’est bien de ça qu’il s’agit : une alchimie, au sens où l’Œuvre, le travail à la fois sur la matière et sur soi, a pour but véritable de transformer l’alchimiste (par transformation, bien sûr, il faut entendre ici « devenir de plus en plus soi-même ») et non de bidouiller la matière.
Transformer le plomb en or, c’est à dire suivre la voie de la facilité pour produire à moindre frais des trucs qui brillent, la parodie de l’alchimie, donc, voilà justement, je crois, ce que fait l’IA…