I, ROBOT

Ou "pourquoi il est temps de remplacer les agents de la RATP par des machines".

Ce soir j'ai été victime d'une agression physique, de la part de la RATP. Pas de la part d'agents de ce service public qui se seraient jetés sur moi pour me rouer de coups, non. Je veux parler d'une de leurs machines. Un de ces portillons automatiques à portes coulissantes.

Je venais de mettre mon coupon mensuel deux zones, parfaitement valide, dans l'orifice d'entrée, et il était ressorti très normalement par l'orrifice de sortie. Aucun signal (en principe si le ticket n'est pas bon on doit voir, il me semble, un signal lumineux rouge, et même entendre un "bip", non ?) ne m'indiquant qu'il pouvait y avoir un problème, je suis passé...

...et je me suis retrouvé brutalement (c'est le moins qu'on puisse dire) écrasé entre les deux battants du portillon, qui se sont refermés sur moi. Et croyez-moi, c'est pas gentil comme une porte d'ascenseur, un portillon du métro : en se refermant, ces machins font comme si vous n'étiez pas là. C'est soudain, c'est violent, c'est douloureux, et c'est extrêmement injuste. Ceux à qui la même chose est déjà arrivée (et j'en fais partie, en fait, puisque ça n'est pas la première fois que ça m'arrive, sauf que cette fois-ci c'était vraiment très brutal) savent certainement l'effet que cela fait. Un choc.

Je me suis dégagé par la force (manifestement, je risquais d'attendre longtemps qu'un agent de la station veuille bien considérer qu'il se passait quelque chose d'anormal) et, choqué et furieux, je me suis dirigé vers le guichet pour dire tout le bien que je pensais d'une telle agression. Car c'est une agression. Le fait que cette machine n'ait ni bon sens ni volonté ne change rien au fait que je suis un être humain, avec des droits d'humain, et qu'il est illégitime de me traiter comme une boule de flipper, surtout si je n'ai rien fait pour mériter cela. Même un fraudeur ne mérite pas d'être brutalisé de la sorte. La RATP n'est pas, que je sache, habilitée à régler les litiges par la violence. S'agissant d'un usager qui se trouve être entièrement dans son bon droit et n'a aucunement fraudé, même par inadvertance, tout acte de violence est injustifiable.

J'ai donc manifesté mon indignation en haussant le ton. C'est normal. J'étais très énervé, et j'avais, à titre exceptionnel, de très bonnes raisons pour cela. L'agent de la RATP au guichet m'a répondu sur un ton de reproche que je n'avais pas à me mettre ainsi en colère. J'aurais pu comprendre qu'il me suggère de me calmer (c'est vrai qu'on règle mieux les litiges quand on n'est pas énervé, je suis le premier à le reconnaître), mais je ne saisis pas bien pourquoi il a d'emblée rejeté tous mes arguments, en affirmant que quoi qu'il ait pu se passer, ce n'était qu'"accidentel". Il a également testé mon ticket, et m'a dit que ce qui était arrivé était normal puisque, semble-t-il, mon ticket n'avait pas été validé (ce qui est faux pour ce que je pouvais en savoir, puisque mon ticket est entré et sorti dans cette machine, et qu'aucun signal indiquant que le ticket n'était pas valide ne s'est allumé, ce qui ne peut avoir pour l'usager que la signification "ce ticket est valide, vous pouvez passer"). Pour enfoncer le clou, un autre agent est sorti et a entrepris de m'expliquer que je n'avais pas franchi le portillon de la bonne manière. Que si je m'y étais pris "réglementairement" (le portillon ne s'était pas refermé entre moi et la personne qui venait de passer devant moi), j'aurais dû attendre que le portillon se referme avant d'essayer de le franchir.

Ces arguments sont nuls et irrecevables. Je n'ai enfreint aucun réglement, aucune loi, et aucune indication ne figurait sur l'appareil m'enjoignant de ne pas franchir les portes si celles-ci ne se sont pas refermées avant de se rouvrir pour moi. Au contraire, tout indiquait que je pouvais passer. Sauf que les portes se sont refermées sur moi avec une grande violence.
Si le fait est réellement "accidentel" et qu'on peut donc considérer qu'il peut arriver, même rarement, qu'au lieu de laisser passer l'usager qui a prouvé être en possession d'un titre de transport valide, le portillon se referme sur lui, il y a là manifestement un problème irrésolu. Cela signifie que, du fait d'un défaut de conception ou du fait d'un défaut de réglage ponctuel ou d'une malfonction, l'appareil (qui est, que je sache, installé là et maintenu en état de fonctionner sous l'entière responsabilité de la RATP) peut se comporter en causant un préjudice à l'usager. Préjudice que j'estime potentiellement grave. Je suis en bonne santé et plutôt jeune. Mais si j'étais un papy décalcifié, ou sujet à des accidents cardio-vasculaires qui peuvent facilement arriver à quelqu'un soumis à de telles brutalités, est-ce que les agents de la RATP auraient fourni les mêmes explications nulles à ma famille ?

Je suis un être humain. J'ai des droits élémentaires dont j'attends légitimement qu'ils soient respectés, et je reconnais ces mêmes droits à tous les membres de l'espèce humaine. Je ne reconnais notamment à quiconque le droit de me brutaliser juste parce que l'envie, ou une impulsion soudaine sans motivation particulière, lui en a pris. Et je ne reconnais pas davantage à qui que ce soit le droit d'opérer ces brutalités par l'intermédiaire d'une machine. Je suis conscient qu'il n'y a eu là aucune volonté de me nuire, mais je crois être en droit de considérer que laisser en fonction des machines qui peuvent, spontanément, au hasard, pratiquer sur d'honnêtes usagers des transports publics de telles violences aveugles, constitue un acte de brutalité, quand bien même ce ne serait que par négligence.

Si on met en place des machines supposer barrer la route aux fraudeurs, mais que ces machines présentent des défauts susceptibles d'en faire des instruments d'agression violente à l'encontre des usagers non fraudeurs -considérant notamment, au terme de la déclaration universelle des droits de l'homme, que toute personne devrait toujours être reconnue innocente si la preuve du contraire n'a pas été faite (je veux dire par là que les portillons qui sont fermés par défaut désignent tout usager comme fraudeur tant qu'il n'a pas fourni, via son titre de transport, la preuve de son "innocence", que ceci est contraire aux droits élémentaires qui guident les lois de ce pays et de bien d'autres, et que même si cela pose un problème logistique dans la gestion des transports publics, c'est prioritairement le droit qui devrait être respecté, et non des considérations réglementaires et commerciales)- on devrait mettre en balance le risque (physique, c'est pas rien !) auquel l'usager est exposé, et l'intérêt d'intercepter les supposés fraudeurs. Et conclure, très logiquement, que de telles machines ne peuvent être mises en services, tant qu'elles n'ont pas fourni toutes les garanties qu'un tel accident ne puisse en aucun cas survenir.

Je ne suis en train d'accuser personne. Ni la RATP, ni les agents à qui j'ai eu affaire. Je veux juste relater ces faits tels qu'ils se sont produits, pour faire remarquer une chose qui m'est apparue, hélas, avec une clarté déconcertante : la machine qui m'a brutalisé l'a fait sans conscience, ni compassion, ni courtoisie, et sans manifester le moindre sens des responsabilités. C'est normal, c'est une machine. Et tenez-vous bien : je ne lui en veux pas. Mais c'est normal, c'est pas sa faute, elle savait pas...
Les agents de la RATP qui ont répondu à ma réaction en m'expliquant que ce qui était arrivé était de ma faute, et que je n'avais pas à m'en plaindre, se sont, pour autant que j'ai pu en juger, comporté exactement comme cette machine. Sans aucune conscience. Aucune compassion. Aucune courtoisie. Aucune manifestation de sens des responsabilités. Comme des machines.
À aucun moment il n'est venu à l'esprit d'un seul de ces agents de dire "je suis désolé" ou "veuillez accepter les excuses de la RATP pour ce qui vient de vous arriver". J'ai été jusqu'à leur en faire la remarque, espérant, même avec retard, un petit sursaut d'humanité. En vain.
Même si l'on avait pu considérer que mon emportement était hors de propos (et je maintiens cependant que mon courroux était légitime, et que le choc que j'avais reçu, aussi bien physiquement que moralement, pouvait largement excuser une réaction aussi vive, d'autant que même si j'ai haussé le ton, je n'ai à aucun moment employé de termes insultants ou grossiers), cela aurait été la moindre des choses que les représentant en présence du service public responsable de cet incident me présentent des excuses au nom du dit service. Mais rien. Pas plus de réaction qu'une machine.

Je suggère donc vivement à Monsieur le Ministre des Transports, puisqu'il n'y a plus lieu d'espérer de comportement humain de la part des agents de certains secteurs des transports publics, de remplacer ces agents par des machines. Au moins, on saura qu'il est réellement inutile de s'énerver.

D'avance, merci.